La première journée a débuté à Oslo, au siège de l’
Association norvégienne des personnes avec une déficience intellectuelle (
NFU). Aux côtés de
Julia Johnsen Halsebo, juriste à la NFU, et d’
Annette Jensen, présidente de l’
Association des parents d’enfants en situation de handicap (
HBF), la délégation a découvert les principes structurant le système médico-social norvégien. La
commune, en tant qu’échelon de proximité, joue un rôle central : elle décide, finance et met en œuvre les services. Ce fonctionnement décentralisé, mais rigoureusement organisé, favorise des réponses adaptées aux besoins locaux et aux spécificités individuelles.
L’après-midi a été consacrée à la visite du
bofellesskap Boogierud, un habitat inclusif situé à Oslo. Ce lieu de vie, pensé pour huit jeunes adultes porteurs de trisomie 21, a été conçu en partenariat étroit entre les familles, la municipalité et le promoteur
Gjelsten Bolig. Finalisé en 2024, il incarne une vision de l’habitat fondée sur l’
autonomie, la dignité et l’inclusion. Le modèle rompt avec les logiques institutionnelles traditionnelles : ici, les résidents vivent dans des logements indépendants, en milieu ordinaire, tout en bénéficiant d’un environnement sécurisant et stimulant. Les échanges avec l’équipe sur place, ainsi que l’accueil des jeunes résidents, ont offert à la délégation un aperçu concret et inspirant de ce que peut être une cohabitation inclusive réussie.
Le lendemain, la délégation a poursuivi ses visites avec trois structures illustrant différentes modalités d’accompagnement. La
fondation Stiftelsen Radarveien propose des
logements pour adultes polyhandicapés, un
centre de jour et un
service de répit. Ce lieu de vie s’attache à répondre aux besoins complexes tout en affirmant le droit à une vie digne, à une existence sociale et à des projets personnels.
À
Frydenlund Skole og Ressurssenter, les membres de la délégation ont découvert une
école spécialisée qui accueille une cinquantaine d’enfants aux besoins spécifiques. Répartis en quatre classes, les élèves sont accompagnés par une équipe de 75 professionnels, offrant un encadrement exceptionnel. L’attention portée à chaque enfant, à son rythme et à ses repères, reflète une conception inclusive de l’éducation, où chacun peut trouver sa place.
Enfin, la visite de
Konten Bolig a mis en lumière une autre approche de l’habitat accompagné. Ce dispositif propose des
logements individuels ou partagés à 18 personnes en situation de handicap, avec un accompagnement 24h/24. Il illustre un équilibre subtil entre autonomie, sécurité et vie communautaire, dans un environnement chaleureux et personnalisé.
Le troisième jour, la délégation s’est rendue à
Fossheim AS, une entreprise sociale qui favorise l’
accès à l’emploi pour les personnes en situation de handicap. Avec le soutien de la municipalité et d’une fondation, Fossheim propose deux parcours : la formation préparatoire à l’emploi (AFT) et l’emploi durable et adapté (VTA). Le modèle, proche des ESAT français, s’en distingue par une forte intégration dans l’économie locale et une coopération étroite avec
NAV, l’agence publique de l’emploi. La dissociation entre le lieu de vie et les activités professionnelles permet aux personnes accompagnées d’exercer un réel choix, loin des offres standardisées.
L’après-midi a été consacrée à la visite du
centre national Frambu, spécialisé dans les maladies rares souvent associées à des
formes complexes de handicap. Frambu accompagne les personnes de tous âges et leurs familles, dans une approche holistique centrée sur la qualité de vie, la formation, et le lien social. Des programmes innovants comme SIBS-RCT, dédié aux fratries, témoignent d’une vision élargie de l’accompagnement, intégrant pleinement l’entourage des personnes concernées.
Au fil de ces trois journées, les membres de la délégation ont pu identifier plusieurs éléments structurants du modèle norvégien. Le
rôle décisionnel et financier des municipalités garantit une certaine souplesse et réactivité. Le
taux d’encadrement très élevé permet une prise en charge individualisée, qualitative et humaine. Le système s’attache à garantir un service équitable, quel que soit le niveau de handicap. L’État soutient également l’
autonomie financière des personnes handicapées en facilitant l’accès à la propriété via des subventions et des prêts très longs à taux réduit, bien que seul un faible pourcentage de personnes en situation de handicap soit aujourd’hui propriétaire.
Enfin, la
séparation claire entre les lieux de vie et les activités de jour (emploi, accueil, formation) constitue un levier d’autonomisation, en rompant avec les structures tout-en-un souvent rigides. Cette organisation modulaire permet de véritables choix de parcours, en accord avec les préférences et les capacités de chacun.
Ce voyage d’étude aura marqué les esprits par la richesse des échanges, la qualité des dispositifs visités et la cohérence globale du modèle norvégien. Il confirme qu’une société inclusive n’est pas un idéal abstrait, mais une réalité construite pas à pas, à travers des choix politiques forts, des collaborations étroites entre acteurs, et une vision partagée de la dignité de chaque personne.