Pendant trois jours, Berlin a servi de terrain d’analyse à la délégation française menée par Dialog Health et la
Fondation Médéric Alzheimer. Objectif : comprendre comment la capitale allemande réinvente l’hébergement, l’accompagnement et le soin des personnes âgées. À travers des visites de terrain et des échanges institutionnels,
quatre grands thèmes ont structuré cette exploration.Cette mission s’inscrit dans une série de
délégations internationales soucieuses de comparer les approches du vieillissement et d’identifier des solutions transférables dans leurs propres organisations.
Un système médico-social sous tension, mais tourné vers l’innovationAvant d’entrer dans les visites de terrain, la mission a été introduite par un séminaire au
Sénat de Berlin. L’Allemagne, où
90 % de la population est couverte par l’assurance maladie, s’appuie également sur une assurance dépendance très structurée, conçue pour favoriser le maintien à domicile.
Pourtant, la démographie impose un rythme nouveau :
3,5 millions de personnes dépendantes sont attendues en 2030, un défi qui oblige à repenser l’offre médico-sociale. C’est dans ce contexte que se développent des modèles alternatifs, notamment les habitats partagés.
Les habitats partagés : l’alternative qui bouscule le modèle EhpadLes visites réalisées à Matterhornstraße, Müllerstraße et dans plusieurs colocations berlinoises ont placé le public au cœur d’un dispositif qui tranche avec les structures classiques.
Ces colocations accueillent
6 à 12 personnes, majoritairement atteintes d’Alzheimer, dans un cadre volontairement familier :
— contrat de bail séparé du contrat de soins,
— repas maison, gâteaux préparés sur place,
— ambiance sensorielle chaleureuse (musique, odeurs, lumière douce),
— participation active aux tâches du quotidien.
Le modèle repose également sur une
gouvernance partagée : familles impliquées, personnels multiculturels adaptés aux langues des habitants, et liberté de circulation dans la maison comme dans le jardin.
Parmi les éléments marquants :
- des chambres très personnalisées,
- une vie sociale dynamique entre colocations,
- l’accueil possible de longue durée, parfois jusqu’à la fin de vie.
Ces habitats partagés incarnent une forme de « chez soi accompagné », où la dignité et la continuité de vie priment sur la logique institutionnelle.
Résidences intégrées : l’exemple de la Schönholzer Heide FoundationLa visite de la
Schönholzer Heide Foundation, dans le quartier de Pankow, a illustré une autre voie : celle des
modèles résidentiels intégrés.
Ce vaste ensemble combine :
- 98 appartements autonomes,
- 6 colocations Alzheimer,
- un accueil de jour,
- des services regroupés sur site (coiffeur, kiné, podologue),
- un parc ouvert sur le quartier.
Le site rappelle l’esprit d’un « campus seniors », où coexistent plusieurs niveaux d’autonomie.
Il présente toutefois des points de vigilance soulignés par l’équipe :
— repères cognitifs insuffisamment différenciés,
— participation limitée des habitants aux repas,
— coûts élevés pour les résidents
Cette visite a permis à la délégation de comprendre comment un même site peut articuler vie autonome, accompagnement modéré et prise en charge renforcée.
La solidarité comme pilier : l’approche communautaire de VolksolidaritätDernier volet de la mission : la rencontre avec
Volksolidarität, organisation créée en 1945 et toujours très active dans l’est de l’Allemagne.
Elle gère un réseau impressionnant :
- colocations Alzheimer,
- services de soins ambulatoires 24/7,
- Ehpad,
- crèches,
- programmes culturels accessibles aux publics précaires.
La délégation a notamment observé :
- un accompagnement possible jusqu’à la fin de vie,
- une communication très étroite avec les familles,
- une participation des habitants aux activités quotidiennes,
- un système d’évaluation strict mêlant contrôles externes et audits internes.
Ici, l’accent est mis sur la communauté : bénévoles, « personnes de confiance », familles et professionnels composent un écosystème centré sur la personne.
Trois piliers pour comprendre le modèle allemandÀ l’issue des visites, un triptyque s’impose clairement :
1. L’approche domiciliaire. Recréer un chez-soi, favoriser les repères, respecter les rythmes individuels.
2. L’articulation autonomie + soins ambulatoires. Contrats séparés, liberté de choix du prestataire, présence professionnelle continue.
3. Une gouvernance partagée. Place centrale des familles, tuteurs, bénévoles et organisations locales.
Ces trois leviers, mis en œuvre de manière cohérente, permettent de développer une offre diversifiée et centrée sur la qualité de vie.
Cette mission d’étude offre un regard précieux sur des modèles déjà bien implantés en Allemagne. Qu’il s’agisse des colocations Alzheimer, des résidences intégrées ou des approches communautaires, Berlin montre qu’il est possible de penser l’accompagnement autrement : plus individuel, plus souple, plus humain.